Des humains et des déchets
- Maude Desbois
- 29 oct. 2024
- 4 min de lecture

Crédit photo : Tamara Merino, National Geographic
Par Maude Desbois
Mère au front pour Noah, Florence et tous les enfants du monde
À compter de la mi-octobre a lieu chaque année la Semaine québécoise de réduction des déchets, devenue plutôt un événement mensuel, puis proposant des initiatives tout au long de l’année. L’évolution même de cette semaine, devenue mois, puis année, démontre bien la place que prennent les détritus dans notre société.
Notre consommation de biens, et la production de ceux-ci, est directement liée à l’industrie des combustibles fossiles non-renouvelables et à notre dépendance à ces matières premières, ce qui est largement problématique pour tout ce que cela induit en termes d’impacts sur l’environnement en plus des émissions de gaz à effet de serre.
Nous pouvons militer à notre façon, désobéir aux lois tacites et peu subtiles de l'industrie et de la société qui nous invitent à acheter pour ensuite, mieux jeter.
Les ordures plus grandes que nature
Que l’on pense à la série « Vidanges » qui aborde de manière humoristique ce qu’il adviendrait de notre quotidien si, tout à coup, les villes cessaient de ramasser les déchets afin d’inciter les citoyen·nes à gérer autrement leur consommation et à aller vers une vie entièrement sans rebuts.
L’excellent livre « Ordures! - Journal d’un vidangeur », de Simon Paré-Poupart, récemment paru chez Lux Éditeur, apporte un regard que nous n’avons probablement jamais emprunté sur l’univers du ramassage des déchets en tous genres, leur gestion, l’indécence de leur accumulation, la manière d’invisibiliser ceux (il y a très peu de celles dans ce métier, c’est un fait) qui courent à coeur de jour derrière les trucks pour faire « disparaître » ce que notre oeil ne saurait voir trop longtemps.
La réduction des déchets, c'est repenser ce que nous produisons. Que cela passe par la réglementation imposée par nos gouvernements, ou la transformation de l’industrie elle-même. Réduire nos déchets est possible grâce à une diminution de notre consommation, une transformation de celle-ci afin d'éviter les emballages, autant que faire se peut, et surtout éviter d'acheter lorsque nous n'en avons pas absolument-irrémédiablement-indubitablement besoin.
Je vous recommande d’ailleurs chaudement la lecture du livre « Rien de neuf », de Marie-Michèle Larivée, publié aux Éditions de l’Homme, qui constitue le guide idéal pour mieux comprendre les rouages de la consommation, ainsi que les alternatives possibles et accessibles si l’on souhaite initier un changement de comportement dans notre vie.
En réduisant et en repensant notre consommation de biens matériels et de vêtements, nous nous assurons alors que cette matière sera réellement utilisée à son plein potentiel, le plus longtemps possible et, idéalement, dans le respect de la nature, des écosystèmes et des humains.
En réduisant et en repensant nos modes de consommation, nous nous assurons également de changer collectivement les paradigmes d'une société qui peut tout à fait ancrer ses valeurs ailleurs que dans la possession d'objets créés sur un modèle d'obsolescence programmée. Se valoriser par autre chose que le renouvellement constant de ce que nous possédons pour être à la fine pointe de la mode et de la technologie qui changent à une vitesse vertigineuse; combler notre besoin de récompense par le biais de nos relations aux autres, de notre lien à nous-mêmes; rechercher l’apaisement et notre dose de dopamine dans des moments de qualité, choisis par et pour soi.
En réduisant et en repensant notre rapport et notre attachement aux objets, nous pouvons trouver un allègement de la pression de consommer toujours plus, de travailler afin de dépenser davantage et d’épuiser notre crédit; calmer la compulsion de remplir nos maisons et nos vies de choses dont nous n'avons peut-être pas besoin autant qu'on le pense finalement.
Car derrière chaque objet acheté se trouvent de grandes industries qui veulent du profit à tout prix. Derrière chaque item se cache de l'extraction de matières premières, de la transformation impliquant souvent de grandes quantités de produits chimiques, d'utilisation d'eau potable, d'énergie et, disons-le, beaucoup d'injustices, d'inégalités sociales, d'exploitation humaine et d'impacts irréversibles sur l'environnement et la biodiversité. Viennent ensuite les transports multipliés pour acheminer ces éléments dans les pays du Nord global (essentiellement) par voie terrestre, aérienne et maritime; puis, inévitablement, les déchets.

Les déchets, au-delà du réel
L'univers de Wall-E semble aujourd'hui moins loin de la fiction que l'on pourrait le croire avec les gyres océaniques essentiellement composés d’amas gargantuesques de déchets plastiques (on en compte actuellement cinq, dont le plus important est évalué à 80 000 tonnes de déchets plastiques); nos sites d'enfouissements débordants, requérant toujours plus de superficie de territoire pour assumer la lourde charge, les conteneurs de rebuts que nous envoyons dans les pays du Sud global, les montagnes de vêtements au cœur des déserts tels l’Atacama au Chili, les kilomètres de détritus dans les Dandora de ce monde. On peut dire que rien ne va plus dans la sphère des immondices.
Imaginer les sept prochaines générations poursuivre la gestion de ce que nous surconsommons présentement, concevoir que nos enfant et nos petits-enfants subiront de manière exponentielle les impacts dévastateurs des crises climatiques et de biodiversité donne la nausée. Il s’agit d’une spirale dont il est possible de s’extirper malgré ce qui peut nous sembler vain. Nous sommes perpétuellement en quête d’équilibre, nous cherchons toutes et tous des manières de prendre soin de soi, de nous détendre de nos semaines en courses folles, de profiter de la vie.
Et si l’appréciation de ce qui est là aujourd’hui passait par moins de consommation? Ce qui amènerait une diminution du stress financier, qui apporterait ensuite la possibilité de travailler un peu moins, pour éventuellement avoir plus de temps, afin de respirer et de s’arrêter de temps en temps? Et si c’était possible pour chacun·e de nous d'emboîter le pas un jour à la fois?
Suggestions de lectures pour vous inspirer
Une année de détox vestimentaire - Réflexion sur le prêt-à-jeter
Par Valérise Simard aux Éditions La Presse
Rien de neuf - Guide pour une consommation écologique, économique et engagée
Par Marie-Michèle Larivée au Éditions de l'Homme
Ressources
Partage Club - Une application de partage d'objets
Très belle analyse d'un triste constat. Percutant comme toujours!